Je suis une légende

Publié le par Spooky

Rarement une oeuvre aura aussi bien porté son titre.  Je suis une légende est  un roman écrit en 1954 par Richard matheson,  par ailleurs scénariste de La Quatrième Dimension. il adaptera aussi pour l'écran  les contes d'Edgar Allan Poe et scénarisera Duel,  réalisé en 1974 par Steven Spielberg.
En 1954 donc, sort ce court  (moins de 200 pages en version poche) roman, contant  le destin de Robert Neville, ultime survivant d'une étrange épidémie qui a fait subir à l'humanité une mutation irréversible : le virus contraint les hommes à se nourrir de sang pour ne pas trépasser. Cette mutation les oblige à fuir les rayons du soleil. I am Legend (le titre en VO) vous prend aux tripes, grâce à une écriture qui retranscrit une atmosphère oppressante. Et malgré sa brièveté, cette atmosphère très particulière est doublée d'une étude psychologique extrêmement fine. C'est simple, si vous ouvrez ce bouquin, vous le dévorez dans la foulée, comme ces vampires (car il faut bien les appeler ainsi) qui sautent sur tout être vivant qui passe à leur portée la nuit venue. Devenu instantanément un classique de la science-fiction (avec l'aspect post-apocalyptique) et du fantastique (avec les vampires/non-morts, justement), ce roman a très vite fait l'objet de nombreuses sollicitations, notamment à partir du cinéma. Il faudra toutefois attendre 10 ans, pour voir une première adaptation sur grand écran. En 1964, The Last Man on Earth mettait en scène Vincent Price, lui-même une légende du 7ème Art, dans le rôle de Neville. En 1970, un premier remake est réalisé, mettant en vedette Charlton Heston. Titré originellement The Omega Man (Le Survivant en VF), le film est réalisé par Boris Sagal. Plutôt réussi, le film évacue un peu l'aspect "sauvage" des vampires pour en faire une sorte de secte ("la famille") décidée à purifier la Terre de tous ses anciens symboles. Heston y campe, comme à son habitude, une figure christique de bon aloi dans cette époque de Guerre froide, d'autant plus que l'épidémie est l'une des conséquences de la guerre entre le Russie et la Chine. Cependant le film a mal vieilli. 

Par la suite, de nombreux réalisateurs, producteurs et acteurs de renom ont été rattachés à un second remake de ce monument.  En 1997 Ridley Scott (auteur d'Alien et Blade Runner) est attaché au projet, avec Arnold Schwarzenegger en tête d'affiche. Mais le budget explose avant même que le premier bout de film soit tourné. Rob Bowman, l'un des créateurs de X-Files, se penche sur le projet, avant de passer le relais à Michael Bay, qui souhaite diriger Will Smith. Mais la sortie -et le succès mérité- de films au sujet semblable (28 jours plus tard, l'Armée des Morts) repousse la production. James Cameron et Paul Verhoven se font connaître comme adaptateurs potentiels, avant que Francis Lawrence (qui avait réalisé le méconnu Constantine, avec déjà une atmosphère post-apocalyptique) n'emporte le morceau, scénarisé par Akiva Goldsman (Un Homme d'exception, I, Robot et Les Chroniques de Riddick) sur un canevas de Mark Protosevich (The Cell, Poseidon version 2006). A noter que Guillermo Del Toro et Mathieu Kassovitz avaient aussi été approchés par la production.
Pour être complet au sujet des adaptations du roman-culte de Matheson, précisons qu'un "direct-to-video" est sorti parallèlement au film qui nous préoccupe, avec Mark Dacascos dans le rôle principal (I am Omega). Mais cette fois-ci la parenté avec l'oeuvre originale semble plus que lointaine.

 
Pour interpréter le personnage de Robert Neville dans cette nouvelle transposition du roman, les noms de Arnold Schwarzenegger, Mel Gibson, Nicolas Cage, Tom Cruise, Kurt Russell ou encore Michael Douglas ont été évoqués depuis 1994. C’est finalement Will Smith qui est désigné pour porter le film, qui pour le coup est aussi producteur (pas fou). L’ex-prince de Bel-Air s’est astreint à un régime de fer, un entraînement en altitude, mais aussi à rencontrer des gens ayant vécu dans l’isolement pour préparer son rôle.
 
L’action du roman se passe à Los Angeles. C’est pourtant à New York que la production a décidé de placer l’action. En partie pour qu’on sente bien le contraste avec une cité habituellement grouillante, mais aussi pour le gigantisme des structures. Le film est truffé de trucages numériques ; les infectés de Je suis une légende sont l'oeuvre du designer français Patrick Tatopoulos, déjà à l'oeuvre sur Pitch Black, Godzilla, Underworld ou Silent Hill. Supervisées par Janek Sirrs, ces créatures mêlent images de synthèse et motion capture. A noter la scène de l’évacuation en flash-back a nécessité plus de 1 000 figurants et 150 membres de la Garde nationale.
 
Sur le plan narratif, le film de Francis Lawrence comporte de nombreuses différences avec le roman de Matheson, sans toutefois en dénaturer l’essence. Tout d’abord le virus a été créé par l’Homme. Son origine serait un traitement éradiquant totalement le cancer. Dans le roman, c’est une bombe qui aurait provoqué la pandémie. Robert Neville est, dans le film, un scientifique militaire, alors que dans le roman, il n’a pas de qualification particulière, à part peut-être d’être immunisé contre l’abomination qui a décimé ses semblables. L’apparence des infectés, clairement orientée vers le style vampire à l’origine, passe à celle de mutants à l’écran. J’ai déjà évoqué le changement spatial, mais il y en a bien sûr un autre, temporel. L’action se passe en 1976 dans le roman, 2012 dans le film. Une autre grosse différence est la décontraction affichée par Will Smith. Dans la bande-annonce on le voit jouer au golf sur un porte-avions… Alors que le Neville de papier vit dans une peur constante. Smith est d’ailleurs accompagné par un chien (en fait une femelle berger allemand), alors que son modèle est vraiment seul, et que les femelles vampires le rendent sexuellement fou. L’ajout du chien n’est pas fondamentalement une mauvaise idée, puisque cela aide Neville à chasser les biches qui se baladent dans la grosse Pomme désolée, et que la scène où ledit chien meurt est vraiment poignante. Et la fin du film est quand même très différente… certains diront « trop religieuse », mais cet aspect ne m’a pas semblé si prégnant.
 
Globalement I am Legend est un très bon film. Grâce notamment à un Will Smith en pleine maturité à 40 ans, qui est impeccable. Il vaut mieux, me direz-vous, vu que le film repose à 97% sur ses larges épaules. Le film comporte du coup peu d’acteurs, mais leurs apparitions sont bien dirigées. A noter la présence non créditée d’Emma Thompson en début de métrage, impeccable elle aussi. Pour en revenir aux vampires, devenus des mutants, ils sont plutôt bien réalisés, même si dans 90% des plans ils vont trop vite pour être discernés. En fait, seuls deux d'entre eux ont un rôle important. Un couple, composé du chef local des monstres (ça tombe bien), furieux après que le Dr Neville ait enlevé sa compagne pour effectuer sur elle ses tests de vaccin. Parce que Neville ne désespère pas de trouver un jour le remède à cette abomination. Il séquestre donc une femelle et l'attache sur une table d'opération. Physiquement les monstres ressemblent à des humains à la peau desquamée, jaunâtre, dont la mâchoir inférieure peut s'étirer pour s'adapter à la morphologie de la victime. Syndrome Alien ? Probablement, vu que Patrick Tatopoulos est un grand admirateur du travail de H.R. Giger sur le film de Ridley Scott. Les monstres sont assez réalistes, et plutôt flippants.

Le film se suit très bien, grâce à une narration linéaire, entrecoupée de quelques flashes-backs expliquant ce qu’il s’est passé « avant ». Seul regret par rapport à la réalisation, sa sagesse. On est bien dans le « tout-public », l’aspect gore étant assez largement gommé dans cette version. C’est peut-être dans ce déficit atmosphérique que se situe le point faible du film. Chacune des trois versions cinéma ont leurs avantages et leurs défauts, mais ce film ne passera pas le cap du « très bien ».
 
Si vous voulez connaître la meilleure version, lisez le livre de Richard Matheson. Maintenant.


EDIT : Retrouvez cette chronique (et bien d'autres !) sur le site Vampirisme.com
 

 

Publié dans Films

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P
Ouais, très chouette article comme le souligne Steph!Si je comprends bien, le film est bon mais assez différent du roman ? :-?
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S
Merci Steph. J'ai hâte de lire ton papier sur ce film :)
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S
Ce fut mon dernier film de 2007 au ciné, et ce n'était pas le plus mauvais de l'année, loin de là ! Pourtant j'y allais avec de gros doutes sur le résultat... Me reste plus qu'à le chroniquer par chez moi, mais je ne suis pas encore à jour avec mes chroniques ciné de 2007... va falloir que je me magne un peu !En tout cas très chouette article Spooky !
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